Patrick Lemarié, Directeur général du cabinet conseil Intercessio, et Jean Myotte, Senior Advisor au sein du groupe Interactis reviennent sur les fondamentaux qu’acheteur comme cédant doivent intégrer dans leurs approches aux risques que l’opération ne se fasse pas.
Pour Jean Myotte, une des priorités, pour le repreneur est de correctement dimensionner l’entreprise visée. Deux questions sont importances à se poser : Est-ce que cette cible est à ma portée ? Est-ce que le vendeur est sérieux et vraiment vendeur ? Le repreneur ne doit pas perdre de temps. Par ailleurs l’acheteur doit avec honnêteté et lucidité se demander si ses propres qualités et compétences seront bien en phase avec l’entreprise visée : par exemple, la cible peut être complémentaire d’une activité que le repreneur possède déjà, donc il va s’attacher à créer des synergies, ou bien techniquement, il est un spécialiste du secteur et va donc être capable de développer l’activité.
Le repreneur doit aussi être attentif quand il a trouvé sa cible pour éviter tous faux pas.
Pour Patrick Lemarié, quand le repreneur commence la relation avec un cédant, il doit procéder à un mix intelligent entre, d’une part, la collecte et l’analyse d’informations, comme les comptes, les bilans, etc., avec l’aide de ses conseils et, d’autre part, démultiplier les entretiens avec le cédant pour bien comprendre l’entreprise.
La collecte d’information va, notamment, permettre de bâtir un dossier solide pour aller négocier avec les banquiers. Cela peut paraitre évident, mais ce n’est toutefois pas toujours le cas et il convient de ne pas se focaliser uniquement sur les documents financiers…
Il faut comprendre finement ce qu’il y a derrière chaque ligne de comptes, Il peut y avoir des pertes cachées ou de la rentabilité cachée : par exemple une société peut être rentable mais le patron ne se verse pas de salaire.
L’évaluation est un autre élément fondamental de la transmission
Certaines méthodes d’évaluation sont avantageuses pour le vendeur, d’autres pour le repreneur, d’après Jean Myotte. Mais l’essentiel est de se montrer raisonnable et d’être crédible. A chaque étape, il faut pouvoir véritablement justifier sa position, argumenter et ne pas se contenter de dire que le prix demandé est trop élevé.
Au-delà du prix, et des méthodes d’évaluation, ce qui est important de jauger c’est si l’acheteur est véritablement acheteur. Un acheteur qui n’aura pas trouvé son financement, n’est pas, pour Patrick Lemarié, un bon acheteur. L’approche prix est une combinaison de différents facteurs, des éléments financiers, bien sûr mais aussi des éléments de présentation, de réassurances… qui permettent au cédant d’évaluer si le repreneur est motivé et solide.
Le facteur humain et la dimension psychologique sont fondamentaux.
Pour Jean Myotte cela vaut à l’achat comme à la vente. Il apparaît très important de savoir comment est détenu le capital. Si vous rachetez une entreprise détenue par un fonds, la situation est simple, le vendeur tiendra peu compte de la dimension humaine mais souhaitera avant tout le plus gros chèque possible. A l’inverse, pour une entreprise familiale, il sera très important de savoir qui contrôle véritablement l’entreprise et comment est réparti le capital. Au sein d’une famille, il peut arriver que les actionnaires héritiers souhaitent vendre mais que le manager, lui aussi héritier, soit moins convaincu. Dans la négociation, il sera alors utile de pouvoir l’évincer du moins en partie. Les aspects financiers dans une vente d’entreprise sont incontournables mais si le repreneur ne se focalise que sur ces derniers, il réduit considérablement ses chances d’aboutir. Si l’acheteur ne prend pas assez en considération l’aspect humain et la dimension psychologique, il peut très facilement passer à côté de l’opération.
Il est préférable pour préserver la relation et se donner une chance de concrétiser le deal, de ne pas confronter acheteur et vendeur en face à face sur le prix. Cette phase est trop intuitu personnae pour préserver toute objectivité, d’après Patrick Lemarié. Dans ce type de négociations, il y a forcément de l’irrationnel.
Pour le vendeur, son entreprise est très souvent toute sa vie et il y a un certain nombre d’éléments qui vont jouer même s’il ne les verbalise pas. De même, l’acheteur va se trouver dans un environnement qui va l’influencer. Si cédant et repreneur parlent en direct du prix, ils vont impliquer leurs charges mentale et émotionnelles et ne seront pas rationnels. C’est aux conseils de gérer cette partie-là.
L’évaluation va servir de socle de discussion
L’évaluation est une base mais d’autres paramètres vont entrer en ligne de compte dans le déclenchement de l’achat ou de la vente. A titre d’exemple, je viens de recevoir une offre qui est 25 % inférieure à ce que me demandent mes clients vendeurs. Sur une affaire récente, il y a eu la possibilité de distribution de dividendes avec une fiscalité allégée, cela a complètement changé la donne dans les négociations.
De l’importance du conseil
D’après Jean Myotte, les conseils ont un rôle d’amortisseur, qui est très important. De plus, le conseil peut toujours revenir en arrière. C’est plus délicat pour le cédant ou pour le repreneur lorsqu’ils sont en face à face. Les conseils possèdent, très généralement, une marge de manœuvre plus importante lors de ces négociations. Par ailleurs, le rôle d’investigateur, qui peut parfois frôler l’indiscrétion, est plus facile à tenir par le conseil que par le repreneur.