En l’état de la jurisprudence, les tribunaux paraissent accorder, dans l’appréciation qu’ils font de la faute, une importance particulière à la longueur des pourparlers et au caractère brutal de la rupture de la négociation. Autrement dit, le principe de loyauté est le fil conducteur de toute négociation.
Les parties sont également tenues par un devoir de confidentialité. En pratique, il est d’usage de faire signer par l’acquéreur éventuel un acte par lequel celui-ci s’engage à garder confidentielle toute information communiquée par le vendeur.
Il arrive parfois que l’acquéreur sollicite de la part du vendeur un engagement d’exclusivité temporaire afin de ne pas être immédiatement mis en concurrence avec d’autres candidats à la reprise.
Les parties vérifieront que rien ne s’oppose à la vente. Ils s’assureront, si nécessaire, que :
– les créanciers du cédant ne peuvent pas s’opposer à la vente ;
– les cocontractants (franchiseur, concédant, clients ou fournisseurs importants) ne peuvent pas résilier les contrats en cas de changement de contrôle de la société ;
– les conjoints ont donné leur autorisation ;
– les salariés ont été consultés ;
– l’agrément des associés a été donné.
> Le protocole de vente.
Le protocole de vente doit être le miroir fidèle de la volonté des parties. Afin d’assurer la sécurité juridique de l’opération, il sera rédigé par un professionnel du droit. Substantiellement, le protocole répondra aux questions suivantes :
– Qui vend (propriétaire, usufruitier, nu-propriétaire, indivisaire) et avec quel pouvoir (mandataire, porte-fort) les parties s’engagent-elles ?
– Qui achète (personne physique, société existante ou en cours de formation) et avec quel pouvoir ? Avec ou sans possibilité de substituer un autre acheteur ?
– Qu’est-ce que j’achète (nature, quantité et origine de propriété des titres achetés) ?
– Pour quel prix et selon quelles modalités ? Prix fixe révisable, indexé sur les résultats futurs, déterminable selon une formule mathématique, à dire d’expert ? Prix payable comptant, à terme, séquestré, avec ou sans intérêts ? Date de transfert de propriété des titres, date de jouissance (qui percevra les dividendes ?).
– Sous quelles conditions ? Conditions suspensives : évènements futurs et incertains qui suspendent les effets de la vente (obtention d’un financement, résultat d’un rapport d’expertise, par exemple) ; conditions résolutoires : évènements futurs et incertains qui anéantissent rétroactivement la vente (perte d’un client important, par exemple). – Moyennant quelles garanties ? En cas de paiement à terme, l’acheteur fournira-t-il une garantie (hypothèque, caution personnelle ou bancaire, nantissement de titres) ? Le vendeur demandera-t-il à l’acheteur de se substituer à lui dans les garanties données pour la société ?
– Avec ou sans clause de non-concurrence du vendeur ?
– Comment régler les litiges éventuels ? Phase de conciliation, recours aux tribunaux (civils ou de commerce, selon le cas), arbitrage (uniquement si l’opération est commerciale, c’est-à-dire en cas de cession d’un bloc de contrôle) ?
> La garantie d’actif et de passif.
– Quel est l’objet de la garantie ? Les clauses dites de garantie de passif ont pour finalité d’assurer la bonne fin de la prise de contrôle de la société. En substance, la garantie a pour objet de faire supporter au vendeur tout à la fois le passif supplé mentaire et l’insuffisance d’actif qui surviennent après la cession et dont la cause est antérieure à celle-ci.
Une remarque s’impose : aussi élaborée soit-elle, la garantie n’est pas une assurance tous risques contre les « mauvaises affaires ».
– Quelles sont les modalités de la garantie ? En général, le contrat s’articule en deux grandes parties : les déclarations (le garant fait une description de la société et engage sa responsabilité par un certain nombre d’affirmations sur l’état de celle-ci) ; l’étendue de la garantie (outre les déclarations, le garant s’engage également sur les valeurs économiques de l’entreprise, actif, passif, capitaux propres, engagement hors bilan…)
Une distinction fondamentale est à opérer entre deux types d’obligations :
– soit le vendeur s’oblige à indemniser directement l’acheteur de la moins-value subie par les titres ; ce type de clause s’analyse en une garantie de valeur, ou clause de révision de prix ;
– soit le vendeur s’engage à reconstituer le patrimoine de l’entreprise ; ce type de clause constitue une garantie de passif stricto sensu.
La différence juridique essentielle réside dans le fait que, dans le cadre de clause de révision de prix, le vendeur ne peut, contrairement aux clauses de garantie de passif, être contraint de restituer une somme supérieure au prix de cession.
Le repreneur portera également son attention sur les questions suivantes :
– Existe-t-il ou non une franchise ou un seuil de déclenchement de la garantie ?
– Quelle est la durée de la garantie ?
– Quelles sont les modalités de l’appel en garantie et de l’éventuelle mise en oeuvre contentieuse ?
– Le vendeur propose-t-il une garantie de la garantie (caution bancaire, hypothèque, séquestre, crédit vendeur) ?
– Une clause de transmission de la garantie a-t-elle été prévue au profit des acquéreurs successifs de la société ?
> Le pacte d’actionnaires.
– Quel est l’objet du pacte ? La pratique a imaginé des conventions, indépendantes des statuts, qui ont pour objet de régler les rapports entre les actionnaires signataires.
– Quelles sont les modalités du pacte ? Les clauses extrastatutaires sont fonction de leurs objectifs et du domaine auquel elles s’appliquent. En général, les pactes s’articulent autour des dispositions suivantes : clauses relatives au contrôle du capital (ce sont celles d’agrément ou de préemption, d’inaliénabilité, ou de promesse de cession ou d’achat, de sortie conjointe ou de retrait proportionnel ou total) ; clauses relatives aux dividendes (dans la limite des dispositions légales et réglementaires, les actionnaires s’engagent sur une politique de distribution de dividendes, les investisseurs institutionnels demandent généralement la création d’actions de priorité donnant droit à un dividende prioritaire avant les actions ordinaires) ; clauses relatives à l’information et à l’organisation du pouvoir (certaines dispositions du pacte peuvent conférer aux associés, ou à certains d’entre eux, un droit d’information renforcé – consultation préalable, comité d’étude, expertise, etc., d’autres clauses visent plus spécifiquement l’organisation du pouvoir au sein de la société) ; enfin, le pacte prévoit souvent les mesures propres à en assurer la pleine efficacité (recours à des comptes nominatifs administrés, mise des titres sous séquestre ou désignation d’un gestionnaire du pacte et mention de l’existence du pacte sur les registres de mouvement de titres et de comptes d’actionnaires).
> Conclusion
Cet article ne vise pas à l’exhaustivité. Il a simplement pour objectif de susciter un certain nombre de questions dans le cadre d’une approche méthodologique globale qui servira de premier support à la démarche de reprise d’entreprise.
La multiplicité des outils, intégrés par l’ingénierie juridico-financière, et des intervenants spécialisés devrait faciliter la tâche du repreneur.
Son talent fera le reste !
Le candidat à la reprise d’une entreprise ne doit pas sous-estimer les risques. Il n’existe aucune codification des dispositions relatives à la cession d’entreprise. Le repreneur devra donc examiner à la loupe les points forts et les points faibles de l’entreprise et identifier les menaces et opportunités du marché.