La clause d’earn out
Nombreux sont les cédants et repreneurs qui s’accordent sur une clause d’earn out lors de la cession de l’entreprise. Par cette clause, une partie du prix de la cible dépend des résultats à venir.
Ce mécanisme peut s’avérer profitable pour les deux parties.
Mais il s’agit également d’une source importante de contentieux.
1. Pourquoi utiliser une clause d’earn-out ?
Un compromis entre les intérêts divergents des parties
La clause d’earn-out est un moyen de concilier les intérêts divergents du cédant et du repreneur.
- Le repreneur par prudence tend à douter de la valeur de la cible. En effet, il n’a pas de certitude quant au rendement futur de l’entreprise qu’il souhaite acquérir. Sa préoccupation majeure est de ne pas surpayer l’entreprise.
- Le cédant, au contraire, a tendance à surestimer la capacité de son entreprise à générer des bénéfices. Ne serait-ce légitimement que pour en obtenir le meilleur prix .
Dans ce contexte, la clause d’earn-out peut se révéler particulièrement utile. Que ce soit dans les les cas où les évaluations élaborées par les parties sont très divergentes, soit dans les cas ou les derniers résultats de l’entreprise ne sont pas en ligne avec le business plan. Elle permet alors de trouver un compromis objectif basé sur l’activité et les performances réelles et futures de la société. Les différends sur la valeur de l’entreprise sont ainsi tranchés en décalant une partie du paiement du prix .
Le principe
Cette clause permet de fractionner le prix en deux paiements. La première partie est payable au jour de la cession et la seconde sera payée plus tard (1,2 ou 3 ans après la cession). Cela en fonction des performances enregistrées par l’entreprise. Ainsi, si les prévisions annoncées par le cédant se réalisent, ce dernier obtiendra le solde complet.
Cette partie complémentaire et variable rassure le repreneur ainsi que ses financiers,. Elle témoigne de la confiance du cédant dans le potentiel de son entreprise.
L’usage de la clause d’earn out, ou complément de prix, est-il fréquent lors d’une cession d’entreprise ?
Selon Jean-Baptiste Grimont, Chargé d’Affaires au sein du Cabinet INTERCESSIO, les repreneurs font assez régulièrement une proposition d’earn out durant les négociations. Néanmoins cette clause n’est pas toujours acceptée par le cédant. Il est vrai que l’acceptation ou non d’une telle clause dépend beaucoup de la typologie du cédant et du projet qui va être proposé par l’acquéreur.
Si le cédant n’envisage pas de partir en retraite et si une période de collaboration est possible, il sera envisageable de discuter de la mise en œuvre d’une clause d’earn out car il existe un intérêt commun. A l’inverse, si le cédant souhaite vraiment tourner la page, avec juste une période d’accompagnement de quelques mois, le repreneur va avoir du mal à faire accepter ce type de clause.
Quel est l’objectif de l’earn out ?
Toujours selon Jean Baptiste Grimont , l’objectif est de proposer une amélioration du prix sur un laps de temps assez long, par tranche, en fonction de performances auxquelles cédant et repreneur participent. La période considérée va dans la majorité des cas de un à trois ans. Au-delà, cela sort de la logique d’application de cette clause. Notons que l’earn out, de même d’ailleurs que le crédit vendeur, représente généralement 10 à 15 % de la valeur de l’entreprise.
Est-il indispensable que le cédant demeure au sein de l’entreprise ?
Le cédant doit rester au sein de l’entreprise. Auquel cas, il fait un pari financier sur une évolution qu’il ne peut absolument pas maîtriser. Dans le cas inverse, il est préférable qu’il vende un peu moins bien sa société. Mais de manière plus sécurisée. En effet, l’objectif de l’earn out est que le cédant touche davantage que s’il avait vendu la totalité de l’entreprise en une seule fois.
2- Les modalités de l’earn-out
Par cet outil juridique, une partie du prix va donc être indexée sur les performances futures de l’entreprise. Les parties doivent convenir rigoureusement des éléments qui permettront de déterminer le solde.
Elément de fixation du prix complémentaire
Il n’y pas de formule type pour conclure une bonne clause d’ earn-out. Il appartient aux parties de décider des modalités de mise en œuvre de la clause. Le plus important est de trouver un point d’accord sur les éléments financiers référents. Ainsi que sur la méthode de calcul : chiffre d’affaires réalisé, des bénéfices, du nombre de clients, de la valeur des titres etc.
Ces éléments doivent être objectifs pour que le prix soit à tout moment déterminable. Si cela n’était pas le cas l’opération pourrait être annulée pour indétermination du prix. Le repreneur doit aussi s’engager à poursuivre le calcul selon les mêmes méthodes comptables pour que la base qui détermine le complément soit toujours la même.
En effet, le complément de prix doit être aléatoire mais rester déterminable au regard des critères choisis.
Par ailleurs il est possible de fixer un plafond à la clause d’ earn-out. Mais cela n’est pas systématique et il appartient aux parties de le décider.
L’accompagnement par le cédant
Souvent, lors de la cession de l’entreprise, il est prévu que le cédant accompagne le repreneur pendant un certain laps de temps. Dans le cas de la conclusion d’une clause d’earn-out, il est essentiel que le cédant bénéficie d’une telle disposition de suivi , et conserve certaines fonctions dans l’entreprise, ce qui lui permettra d’avoir un certain contrôle sur la gestion du repreneur.
Dans le cas contraire, les performances futures, et donc le complément de prix espéré, reposeraient uniquement sur la gestion du repreneur que le cédant ne connaît pas. En conservant un rôle dans l’entreprise, le cédant garde ainsi une certaine maîtrise sur le suivi de la gestion du repreneur. Cependant, ce contrôle reste limité et dans tous les cas la gestion appartiendra, dès la cession, au repreneur et le cédant devra s’en remettre à ce dernier.
Cependant il est toujours possible d’envisager l’insertion de clauses restreignant la marge de manœuvre du repreneur si le cédant l’estime nécessaire pour une réalisation optimale des bénéfices. Certaines clauses pourront être facilement insérées au bénéfice du cédant (ex : ne pas imputer de nouveaux frais d’exploitation déraisonnables, ne pas vider la société de son fonds de commerce…), d’autres seront moins acceptables (restriction dans la gestion du personnel, intervention directe dans la gestion…) en ce qui concerne le repreneur.
La rédaction de la clause
Elle doit être rigoureuse et détaillée. Surtout en ce qui concerne les éléments qui serviront de base au calcul du complément de prix, afin que celui-ci soit clairement déterminable et qu’aucun conflit ne puisse survenir quant à son calcul.
L’earn out génère un contentieux important
Au-delà des critères techniques et référentiels comptables, un élément essentiel doit bien être pris en compte : le facteur humain.
La mise en place d’une clause d’earn out implique que le cédant et le repreneur s’entendent bien, et qu’ils puissent travailler ensemble sereinement sur toute la durée de la période d’earn out. Mais, souvent le dirigeant qui vient de vendre éprouve des difficultés à travailler sur le moyen terme avec le repreneur. Des conflits de pouvoir et d’ego surviennent fréquemment.
Cette bonne entente est pourtant essentielle. Le cédant devant rester au sein de la société durant toute la durée de l’earn out. Si cela n’est bien sûr pas obligatoire sur le plan juridique, cette présence lui permettra de maîtriser et d’influer sur le développement de l’entreprise.
Si la clause n’a pas été rédigée avec toute la rigueur et la précision nécessaire, les angles d’attaque sont nombreux. Afin d’éviter un procès, il est souvent prévu dans le contrat le recours à un expert en cas de conflit qui déterminera le montant de l’earn out. Mais sa décision peut elle aussi être contestée. Le contentieux peut être long quand les parties refusent toute transaction.
Cette clause peut être bénéfique pour le repreneur comme pour le cédant. Mais du fait du risque de contentieux, elle doit être manier avec grande précaution.
La garantie de paiement
Il est nécessaire d’exiger une sûreté de la part du repreneur (caution bancaire, garantie à première demande, constitution d’ une réserve pour le paiement de l’earn-out etc.) qui garantira le paiement par celui-ci du complément de prix.
L’imposition du complément de prix
Le complément de prix est imposé l’année où il est effectivement versé au titre des plus-values sur cession de droits sociaux (l’éventuelle moins-value réalisée lors de la cession est imputable ici).