Quelle est votre analyse du marché actuel de la transmission ?
Le chiffre de 500 000 à 700 000 entreprises à reprendre dans les 10 années qui viennent est probablement juste. Compte tenu de la structure de l’économie française, 80 % de cette masse seront des fonds de commerce tenus par une personne avec, éventuellement, son conjoint. Les PME de 10 à 100 personnes représentent seulement 4 à 5 % du marché, soit environ 25 000 unités. Sur une décennie, nous verrons 2 500 transmissions de ce type d’entreprise par an. Il y a donc peu de petites PME à vendre aujourd’hui sur le marché et je crains que cet état de fait ne se confirme dans les années à venir. Demain, il devrait n’y avoir que très peu d’entreprises de 20 à 50 personnes sur le marché. Une autre difficulté réside dans la façon de connecter cédant et repreneur. Aujourd’hui, sur les opérations de reprise nous trouvons en moyenne un cédant pour cinq repreneurs. De plus, les bonnes cibles sont reprises, par le jeu des réseaux, avant d’apparaître sur le marché. Car les cédants pour des raisons de confidentialité et d’opportunité hésitent à se faire connaître. Le marché absorbe tout ce qu’il y a à vendre. En conséquence, les bourses d’opportunité ne marchent généralement pas bien, les experts-comptables en ont fait l’expérience.
Quelles sont les causes les plus fréquentes d’échec ?
Une des grandes causes d’échec est d’avoir payé trop cher sa cible. Le rôle des conseils est d’être ferme auprès de leurs clients en disant : " à ce prix là c’est suicidaire ". Car le repreneur a 7 ans pour la rembourser une dette senior et que parfois la rentabilité dégagée ne le permet pas. Du fait du marché, des gens sont prêts à payer trop cher. Il faut être patient et savoir attendre pour payer une entreprise à son prix.
Le passage de la grande entreprise à la PME engendre un véritable changement d’univers. Tout va plus vite et l’implication personnelle est plus grande. En arrivant aux commandes de sa PME, le repreneur doit avant tout faire du chiffre d’affaires. Certains n’appréhendent pas assez vite cette réalité et c’est également une cause d’échec. Il est certes toujours utile de passer du temps en réflexion stratégique ou en analyse de produit, mais il faut rembourser les dettes. Contrairement à d’autres, je ne suis pas convaincu qu’il faut absolument être du secteur pour réussir. Mais celui qui n’a pas la fibre commerciale, qui n’est pas capable de faire en sorte que le chiffre d’affaires soit immédiatement maintenu voir amélioré, alors celui-ci risque d’aller dans le mur.
Hervé Novelli va présenter dans les mois qui viennent un projet de loi sur la transmission. Selon vous que manque-t-il au dispositif actuel ?
En terme de fiscalité, et que la transmission soit à titre gratuit ou à titre onéreux, et que l’on se place du côté du repreneur ou de celui du cédant, j’estime que nous ne sommes pas très loin du paradis. Un seul élément manque qui serait de nature à faciliter la transmission de l’entreprise avant le départ en retraite du dirigeant : il s’agit de l’exonération de la plus-value pour le cédant en cours d’activité. Alors qu’aujourd’hui, il est possible d’être quasiment totalement exonéré si vous partez en retraite, il faut attendre 2014 pour être exonéré de votre impôt sur la plus-value si vous vendez votre entreprise pour en créer une nouvelle. C’est le seul point qui manque et c’est regrettable. Sinon le dispositif est presque parfait. Il est toutefois vrai que le législateur fait bien son travail, car il a couvert, sur cet aspect, environ 85 % des entreprises. La principale difficulté est davantage périphérique : tout l’aspect information formation pourrait être davantage développé, car on ne s’institue pas repreneur du jour au lendemain. On pourrait imaginer l’exonération d’un certain nombre d’impôts pour le repreneur. Il serait également bon de lui faciliter l’accès à un certain nombre de conseils. Les repreneurs estiment que les services des avocats et des experts-comptables sont chers, car ce sont des opérations complexes et longues, et cela pèse bien entendu sur son apport. Enfin, le financement demeure toujours un aspect délicat. Tout ce qui pourra aller dans le sens du développement des prêts garantis et des prêts d’honneur sera une bonne chose.