« Moins de 10% des entreprises françaises de plus de 10 salariés sont transmises dans le cadre d’une continuité familiale », révèle un rapport sur la transmission familiale remis en octobre dernier au secrétaire d’État chargé des PME, Hervé Novelli. Ainsi, sur les plus de 6000 PME, entreprises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises familiales cédées chaque année, moins de 600 passeraient à la génération suivante. Plusieurs études récentes citées dans le document ont fait apparaître ce phénomène qui est qualifié de « très préoccupant pour l’avenir de l’économie française ». Le rapport indique en effet que « si l’entreprise familiale reste largement majoritaire en nombre en France (83% des entreprises) et contribue très largement à la richesse du pays (environ 50% du PNB et des emplois), elle est gravement menacée dans sa pérennité, en particulier dès que les entreprises grandissent en taille. »
La situation de la France semble assez isolée, selon une étude de l’Union européenne menée en 2006 dans sept pays, « en moyenne, la part de la transmission familiale s’élève à 44% avec de grandes différences selon les pays. » Pour certains, elle représente plus de la moitié du total des reprises, par exemple en Italie (80%), en Pologne (73,7%), en Autriche (72,7%) ou en Allemagne (51,7%). En revanche, dans d’autres pays, cette part est bien plus faible, comme en Slovénie (23,6%), en Lituanie (8%) ou en France (7,2%). L’étude précise tout de même que la part des transmissions familiales est en régression dans l’ensemble des pays au cours des dix dernières années. Une enquête d’OSEO publiée en 2005 avait déjà mis en lumière cette problématique nationale. A l’époque, l’organisme avait constaté que les départs en retraite étaient de plus en plus rarement suivis d’une transmission familiale : « celle-ci ayant lieu dans moins d’un cas sur dix dans les secteurs de l’industrie, des transports, du commerce de gros, du BTP et des services aux entreprises. »
Parmi les explications à ce phénomène, une absence de volonté des cédants. Seulement 18,5% des chefs d’entreprise français souhaitent en effet transmettre à un membre de leur famille, contre 61,6% en Italie et 74,5% en Allemagne.
Une autre enquête auprès des repreneurs cette fois a montré qu’une grande partie d’entre eux comptait déjà au sein de leur famille des entrepreneurs (parents, oncles et tantes, cousins) qui géraient une entreprise. Et lorsqu’on leur a demandé pourquoi ils n’ont pas repris l’affaire familiale, ils citent comme première raison l’activité de l’entreprise familiale, qui ne leur convenait pas, et ensuite, l’occasion qui ne s’était jamais présentée.
Mais le rapport pointe surtout d’autres obstacles. « La France souffre de faiblesses structurelles plus profondes : réticence ou incapacité des patrons de PME à aborder en temps voulu le problème de leur succession, difficulté à engager en famille un dialogue constructif sur un sujet encore tabou et chargé d’émotion, faiblesse de l’accompagnement des conseillers traditionnels et leur manque de formation », est-il souligné.
Pour favoriser les transmissions familiales, l’auteur du rapport formule plusieurs recommandations. En matière de fiscalité, il suggère de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les actionnaires majoritaires des entreprises familiales et d’intégrer les comptes courants d’actionnaires de contrôle dans le calcul de l’ISF. En ce qui concerne le financement, il préconise de créer, au niveau national, une holding destinée à accompagner la transmission d’entreprises familiales considérées comme stratégiques. Cette holding de participations pourrait associer des fonds publics, mais aussi des sources plus pérennes de financement privé en vue de les investir, directement ou indirectement, sous forme de capitaux permanents pour faciliter la transmission sans perte de contrôle dans les PME familiales.
Enfin, le rapport insiste sur la préparation des dirigeants de PME. Il est essentiel d’« organiser l’accompagnement de l’entreprise pour anticiper la transmission, de favoriser le financement d’un diagnostic confidentiel pour promouvoir le dialogue intergénérationnel dès qu’il est nécessaire, c’est-à-dire lorsque la nouvelle génération a atteint l’âge d’entrer dans l’entreprise et de rationaliser ses propres choix de carrière. » Pour cela, il faut permettre la déductibilité fiscale des coûts de ce diagnostic.
Dernier point, l’auteur du rapport souhaite la création d’un Conseil permanent pour la transmission des entreprises familiales. Mis en place par le ministre de l’Économie, cet organisme serait chargé de la coordination des actions au niveau national et devrait définir une stratégie globale couvrant tous les aspects de la transmission. Il aurait d’ailleurs comme objectif premier de dégager un consensus national sur la définition de l’entreprise familiale.