Il ne se passe pas de jour sans que l’on ne me pose cette question anxiogène: « Est-il raisonnable d’acheter maintenant, ou bien est-il préférable d’attendre que les soubresauts de la crise financière soient derrière nous ? » Comme vous avez pu le percevoir, je n’ai pas de don particulier pour la divination, et suis plutôt un adepte du raisonnement froid. Je poursuivrai donc dans cette voie étroite en essayant d’analyser avec vous les arguments logiques de la question soulevée.
Que peut-on dire du côté des repreneurs individuels ?
– plus les temps sont difficiles et plus le nombre de repreneurs «sérieux », c’est à dire résolus et argentés, est faible ; la concurrence se raréfie donc, et on peut imaginer que cela favorisera un meilleur climat de négociation ;
– plus on tergiverse, et moins on est crédible, d’abord vis à vis de soi-même, puis ensuite vis à vis de ceux qui peuvent « aider » (famille, amis, intermédiaires, financiers) ; attention donc à ne pas émousser sa capacité de convaincre ;
– plus on recule l’échéance, plus on se fragilise financièrement, et moins on peut acheter ;
– compte tenu de ce qui se passe dans les grands groupes aujourd’hui, il paraît illusoire de penser retrouver rapidement « un bon job » salarié quand on est plus que quarantenaire ;
– les cédants qui manifestent aujourd’hui leur volonté de cession savent parfaitement que les vents ne leur sont pas favorables; s’ils sont cependant sur le marché c’est qu’ils ont des raisons « fortes » ( désir de retraite, lassitude devant la dureté des événements, problèmes familiaux ou accidents de santé) ; ils sont donc dans une « humeur » favorable( même s’il est impératif de ne pas les brusquer psychologiquement et de ne pas vouloir profiter de la situation) ;
– les financiers sont encore plus prudents et timorés qu’avant, mais il faut bien qu’ils disent oui de temps en temps (ne serait-ce que pour garder leur bonne conscience) ; ce « oui » se portera spontanément sur de petits dossiers bien calés avec un repreneur « crédible » sur la cible.
En conclusion de ce rapide examen de conscience – qui fait apparaître davantage d’éléments positifs que l’inverse- je me risquerai donc à dire que la vraie question pour les repreneurs individuels est davantage du type «to be or not to be» un repreneur, plutôt que la crainte de faire une mauvaise affaire. Il me semble en effet que pour autant qu’on dispose d’un peu d’argent, et qu’on soit un peu raisonnable en termes de plan de financement le risque en vaut la peine.
Pour étayer ma position je vous renvoie enfin à deux éléments de fait que j’ai constatés du côté des cédants. D’une part, observez bien le comportement de certaines grandes sociétés (celles qui sont encore « saines »et disposent de moyens), qui sont en train de faire leur marché « à bon compte » ; à la sortie de la crise elles seront les mieux armées pour profiter de la reprise. D’autre part, sachez que depuis quelque temps je vois revenir des dirigeants de PME qui avaient refusé certaines offres de repreneurs et qui sont désormais disposés à repartir sur de nouvelles bases de prix.
Soyez donc optimistes en sachant faire de la crise une alliée. La résilience, c’est aussi la marque des vrais entrepreneurs !