Stéphane Fantuz

3 juin 2014

Isabelle Marie

Le projet de loi Hamon va prochainement passer en deuxième lecture au Sénat. Rappelons, qu’entre autres dispositions, il prévoit que, dans les PME, les salariés soient obligatoirement informés par le dirigeant d’un projet de cession de l’entreprise. Le président de la Chambre nationale des conseillers en investissements financiers (CNCIF) nous livre son opinion sur ce texte.

Si vous vous opposez à deux des articles du projet de loi Hamon, les dispositions sur la formation des salariés à la cession d’entreprise semblent toutefois vous satisfaire…

Il faut tout de même dire que c’est une excellente chose de développer la culture financière et entrepreneuriale des salariés. Il est vrai que nous sommes un peu en retard en France sur ce sujet. Le monde de l’entrepreneuriat et de la finance est souvent étranger aux salariés.  Avant de se lancer dans un projet qui lui tient à cœur, le fait d’avoir été formé sur les opérations de reprise d’entreprise est intéressant pour le salarié. Pour sensibiliser les collaborateurs de l’entreprise, des méthodes comme  le e-learning ou les mooc peuvent être utilisées. Entre une grosse ETI et une petite PME, le mode de formation ne sera certainement pas le même.

Vous opposez-vous formellement aux dispositions concernant l’information obligatoire des salariés en cas de cession et pourquoi ?

Dans la pratique, nous constatons que si le chef d’entreprise sait qu’il y a un salarié qui désire reprendre, il va l’en informer. Les dirigeants sont suffisamment attachés à leur entreprise pour préférer la transmettre à un salarié plutôt que de la voir absorber par un groupe. Ils sont même souvent prêts à vendre moins cher si un collaborateur souhaite reprendre.
Si tel n’est pas le cas, si le dirigeant sait qu’il ne va pas trouver un repreneur au sein même de l’entreprise, alors la confidentialité est de mise. Car il est très déstabilisant et stressant  pour les salariés de ne pas savoir à qui l’entreprise va être vendu. Cette période peut durer des mois. De plus, vu que l’on ne peut pas demander aux salariés une clause de confidentialité comme il est possible de le demander à des professionnels, les clients et fournisseurs seront rapidement au courant du projet de cession. Ces derniers peuvent alors préférer travailler avec une autre entreprise, qui ne soit pas dans un processus de vente et qu’ils considéreront comme plus stable.

Cette loi génère-t-telle un risque d’instabilité juridique concernant les opérations de cession ?

Une fois l’opération bouclée, le juge pourrait considérer la vente comme nulle et non avenu parce que le dirigeant n’aurait pas convenablement informé l’ensemble des salariés. C’est un non-sens. Malheureusement, il y aura toujours un salarié mécontent ou qui éprouve un ressentiment vis-à-vis de son dirigeant et va trouver là l’occasion idéale de faire échouer l’opération de cession en prétextant le fait qu’il n’est pas été tenu informé. Il s’agit, selon moi, d’une mauvaise loi.
Il n’est pas impossible que l’exécutif souhaite faire passer un texte qui va embêter des milliers d’entreprises uniquement pour pouvoir faire tomber quelques dossiers. Bien entendu, il faut informer les salariés de la vente de leur entreprise, mais il y a un temps pour le faire. Un certain timing doit être respecté.