Rémi Paliard

14 avril 2009

Isabelle Marie

""Vous expliquez que l’une des difficultés, pour le repreneur, dans le processus d’évaluation est que la négociation sur le prix intervient à un moment où il ne dispose d’informations encore que partielles sur la cible…
Le vendeur propose un prix qu’il a construit avec ses conseils et à ce moment-là, le repreneur n’a comme informations que les données financières, qu’il a pu trouver sur des bases de données. Les discussions qu’il a eu avec le vendeur qui sont en général pleine de silence car ce dernier cherche à ne pas trop se dévoiler. Le plus souvent, il n’a encore construit un prévisionnel. Alors qu’une bonne évaluation se fait sur la base d’un prévisionnel. Dans ce paradoxe où l’on est obligé de proposer un prix alors que l’on a pas encore véritablement les moyens de déterminer une valeur, nous trouvons deux types de repreneurs : ceux qui sont dans la même branche que la cible et ceux qui n’y sont pas. Cela change tout. Les premiers sont d’une part plus crédibles pour le vendeur et d’autre part mieux armés pour faire une extrapolation intelligente de ce que peut devenir l’entreprise dans leur main. Deux repreneurs en compétition pour une même affaire peuvent être amenés à proposer un prix très différent, car ils ont une capacité à estimer la valeur qui repose sur leur expérience et connaissance du métier. Celui qui connaît le secteur sera beaucoup plus attentif aux facteurs de risque, saura quelles sont les marges de progrès, etc.

Quel est votre avis sur la méthode du goodwill ?
La méthode du goodwill est tout à fait valable en soi, mais les problèmes viennent de la façon dont les évaluateurs s’en servent. Cette approche est très intéressante parce qu’elle facilite la négociation de par sa construction même. Mais le problème est qu’elle est souvent utilisée en prenant un taux d’actualisation beaucoup trop bas ; notamment par l’utilisation d’un taux sans risque, ce qui est une erreur fondamentale. Cette erreur vient d’une mauvaise traduction d’une pratique américaine. Cette utilisation d’un taux de rendement insuffisant, qui ne reflète pas le niveau de risque, génère la surévaluation. Le repreneur qui est informé de cet état de fait peut facilement reconstruire en disant au cédant qu’il accepte ses hypothèses opérationnelles, mais qu’il conteste formellement son taux de rendement attendu comme tenu de la situation. Lorsque l’on change le taux, cela change fortement le niveau du goodwill, et souvent on bascule en badwill. Il s’agit donc d’un mauvais usage d’une bonne méthode

En matière d’évaluation, quels conseils pouvez-vous délivrer aux repreneurs ?
Mon premier conseil est de bien faire attention au copié-collé des valorisations boursières sans pratiquer une décote de taille. Attention également aux références de transaction, car on a connaissance que du prix facial mais on ne connaît pas toutes les clauses de garantie, de complément de prix, etc. Le repreneur peut donc être fortement induit en erreur par le seul prix facial. Enfin, attention au taux d’actualisation. Une espérance de rendement normal pour une PME, ne présentant pas de risque particulier, est de l’ordre de 15 à 16 %. Alors que les taux d’actualisation que je vois dans les dossiers préparés par les experts comptables sont, soit sans risque à 5 %, soit un taux risqué à 9 ou 10 %, comme si l’entreprise était côté en Bourse et réalisait un milliard de chiffre d’affaires ! Si vous actualisez à 10 au lieu d’actualiser à 15, cela peut changer la valorisation quasiment de moitié.