Reprise : Et si c’était le bon moment ?

16 janvier 2009

Isabelle Marie

""Les spécialistes en conviennent : rien ne sert de différer son projet de reprise. Tous les cédants ne pouvant attendre 2010, le marché est favorable aux repreneurs. Pour peu qu’ils sachent se montrer sélectifs et exigeants, ils pourront bénéficier de la baisse des prix de cession qui s’amorce et saisir de bonnes opportunités. 

> Savoir anticiper l’avenir
Certes, les incertitudes sont grandes et les pronostics divergent, mais les experts se retrouvent sur un constat a minima: la donne va changer pour les repreneurs comme pour les cédants.
« Du fait de la crise, il va y avoir de très bonnes opportunités à reprendre, à savoir des entreprises qui ne s’en sortent pas sur le plan de la trésorerie. Leur prix sera dévalorisé. On peut même dire que c’est le meilleur moment pour acheter. Ce n’est pas utile d’attendre. J’estime qu’il est déjà suffisamment compliqué pour le repreneur de trouver l’entreprise qui lui convient. S’il la trouve, il ne faut pas s’arrêter en route. La difficulté en période de crise vient surtout de la prudence des financeurs », estime Bérangère Deschamps, professeur d’entrepreneuriat à l’IAE de Grenoble et spécialiste de la problématique de la transmission d’entreprise
Xavier Moreno, président d’Astorg Partners se montre plus nuancé. Rappelant, fort à propos, que crise signifie opportunité en chinois, il estime qu’il va y en avoir pour ceux qui ont quelques réserves financières et qui sont suffisamment prudents et avisés pour s’engager uniquement s’ils ont une certaine capacité à anticiper l’avenir. S’il s’agit d’un secteur peu cyclique, alors il est possible de se lancer assez tôt. S’il s’agit, à titre d’exemple, d’un sous-traitant de l’industrie automobile, il vaut mieux attendre la sortie du tunnel avant de la reprendre : « Si on veut faire une transmission aujourd’hui, il faut la faire avec un prix variable : c’est-à-dire avec un prix de crise pour une transaction rapide, et les deux parties se revoient deux ans plus tard pour ajuster le prix après la crise. Il faut absolument diviser le problème en plusieurs sous-problèmes pour le résoudre. Sinon, on ne trouvera pas un prix acceptable par les deux parties », assure-t-il. 

> Le marché change
Jacques Sounaleix référent national reprise du Réseau Entreprendre constate que les cédants ont toujours tendance à survaloriser leur bien
mais, aujourd’hui, ils se trouvent face à des repreneurs qui se savent en position de force. Pour ce spécialiste de la transmission, plus que jamais les repreneurs potentiels doivent se montrer exigeants. « Le marché va changer et il va être intéressant de reprendre. Mais le repreneur devra respecter certaines règles. Il ne devra pas payer la cible trop cher. Alors qu’auparavant, on pouvait tolérer un retour sur investissement à 5 ou 6 ans, du fait de cette conjoncture difficile, il vaut mieux le fixer à quatre ans : plus l’investissement est risqué, plus le délai de récupération doit être court, conseille-t-il. Le repreneur devra vraiment intégrer dans son prévisionnel le fait que la marge de l’entreprise reprise risque de se voir diviser par deux ou par trois sur l’année 2009. » 

> Vers une légère baisse des prix
Aujourd’hui, le repreneur peut se trouver dans un rapport de force favorable face aux cédants, ce qui n’était pas le cas hier.
La marge de négociation sur le prix est plus importante. Et de nombreuses cibles pourraient bien arriver sur le marché plus tôt que prévu. « Nous constatons une progression du nombre d’entreprises à céder depuis novembre 2008. Ce phénomène s’explique. Beaucoup de chefs d’entreprise de 58, 59 ou 60 ans s’inquiètent de la baisse probable de la valeur de leur entreprise. Ils anticipent donc leur projet de cession. Certains vont vendre dans la précipitation, donc on peut s’attendre à une légère baisse des prix », confirme Jacques Sounaleix. Le boom des cessions attendu par certains du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite des chefs d’entreprise de la génération du baby-boom n’a toutefois pas encore eu lieu. L’arrivée des premières cohortes de ces baby-boomers n’a pas eu de conséquences visibles sur le nombre de cibles mises sur le marché. Mais il est possible que la crise accélère l’émergence de ce phénomène.
A condition de se montrer exigeants et sélectifs, les repreneurs pourront s’adapter avec succès aux conditions imposées par la crise