Repreneur en « chef »

24 juin 2008

Isabelle Marie

""Jean-Paul Albat a repris, en 2006, la société de restauration collective Armor Cuisine à Bobigny, bien loin de l’Atlantique. Opération réussie. Il est vrai que vingt ans au contact des collectivités pour un grand groupe ont aguerri ses méthodes commerciales. Un staff technique consolidé a fait le reste. Sans vouloir révolutionner le fonctionnement d’Armor Cuisine, Jean-Paul Albat a tout de même dû y imprimer rapidement son empreinte. En deux ans, il a ainsi changé le système de gestion informatique des commandes, investi 200 000 euros en équipements, recruté un docteur vétérinaire et un nouveau comptable, perdu quelques clients tout en en gagnant d’autres, remplacé un responsable récalcitrant de l’équipe qui s’est avéré être un membre de la famille du cédant, etc. Et les projets ne manquent pas : « Nos volumes actuels correspondent à 80% de notre capacité de production, que nous allons tenter d’optimiser… » C’est sans doute cette foi en l’avenir qu’a voulu récompenser, il y a peu, la CCI de Seine-Saint-Denis : elle a décerné à Jean-Paul Albat son prix des « Espoirs de l’Économie».

>  le processus de la reprise
« J’ai finalement étudié sérieusement deux dossiers distincts, dont celui d’Armor Cuisine, dont on sentait d’emblée la fiabilité », détaille le repreneur. Dès lors, les rendez-vous s’enchaînent avec un cédant âgé de 59 ans, « pas forcément pressé » : « Nous étions sept sur les rangs ; ma stratégie a consisté à ne pas brusquer les choses, même si je n’ai jamais lâché prise. » Prendre son temps, c’était aussi l’occasion pour Jean-Paul Albat de peaufiner sa stratégie financière, car Armor Cuisine (4 millions d’euros de chiffre d’affaires) était à reprendre 1,5 million d’euros, les murs en sus ! En septembre 2005, Jean-Paul Albat a en main l’accord de la banque pour l’ensemble de l’opération (haut de bilan, dette senior, murs). L’occasion de revenir vers le cédant qui n’annonce plus que deux ou trois candidats sérieux, mais explique, en décembre, que l’un d’entre eux surenchérit… Cas de conscience pour Jean-Paul Albat, qui, sur les recommandations de son conseil, n’entre pas dans le jeu. « Au retour des vacances de Noël, le cédant finit par m’accorder la vente, l’autre candidat ayant vu son dossier refusé : il s’était adressé à l’agence locale de la BNP… » L’affaire est ainsi signée en février 2006 et c’est via un holding que Jean-Paul Albat prend le contrôle d’Armor Cuisine : « J’en détiens 66% et 33% sont à BNP développement, pour un apport de global de 500000 euros (un tiers du prix de vente) ; quant aux murs, ils sont repris par une SCI qui dépend aussi du holding, qui s’est endettée sur 15 ans pour cela, mais qui se rembourse via le loyer perçu. »

> Paroles de repreneur
« J’avais alors la quarantaine et je me retrouvais dans un environnement de top management dont je me sentais malgré tout exclu, de par mon parcours. C’est alors que j’ai pensé à négocier mon départ, en 2004, pour préparer un projet plus personnel », raconte le futur repreneur. « Je suis satisfait d’être aujourd’hui seul aux commandes, glisse Jean-Paul Albat, dans les couloirs de son entreprise. Ici, je négocie des contrats bien moins conséquents que ceux que je traitais dans mes fonctions précédentes, mais je suis dix fois plus affecté par le résultat. Ce que je vis désormais est bien plus fort ! »

> La cible reprise
Créée en 1975, Armor Cuisine est une société de restauration collective qui n’a de breton que le nom. Basée à Bobigny, elle livre 8000 à 9000 repas par jour, à 65% pour la restauration scolaire et à 35% pour des entreprises, des centres d’hébergement ou des maisons de retraite, en Seine-Saint-Denis et dans les départements limitrophes. Son point fort : « Face à des géants comme Sodexo ou Avenance, nous proposons à des clients intéressés par 600 à 700 repas par jour une qualité de cuisine incontestable (cuisson des viandes et des légumes dans nos locaux, gratins, etc.) et un service de proximité réactif », détaille Jean-Paul Albat, le repreneur. Les 120 clients (environ) d’Armor Cuisine commandent ainsi, en moyenne, 250 repas par jour (2000 recettes disponibles). Atout essentiel d’Armor Cuisine, selon son repreneur : le fait de ne pas avoir de client trop important. « Le premier d’entre eux comptait pour 7% du CA et nous l’avons perdu, ce que j’avais heureusement anticipé… ».