La crise actuelle va-t-elle engendrer une baisse du prix des cibles ?
Les CCI n’observent pas de tendance générale à la baisse. Pour leur part, les chefs d’entreprise s’attendent à vendre à la baisse ou à mettre plus longtemps pour trouver un acquéreur. Va-t-il y avoir une baisse du fait du niveau injustifié du prix des cibles ? Une baisse reviendrait alors à remettre les prix à un bon niveau. Pourra-t-il y avoir alors une baisse par rapport à ce juste niveau ? Cela n’est pas simple à évaluer.
Mais quel que soit le prix, le décisionnaire reste le banquier. Les banques ont augmenté leur taux d’intérêt et demandent des fonds propres plus importants ; nous étions à 20 / 30 %, nous sommes désormais à 30 / 40 %. L’effet de levier est en conséquence moindre et cela diminue d’autant la somme que le repreneur peut mettre sur la table. De plus, les repreneurs d’une certaine envergure ne vont pas forcément retarder leur projet, mais certainement s’orienter vers des cibles plus petites. Parallèlement, différents réseaux et associations, mais aussi certaines régions, ont augmenté leurs prêts d’honneur afin d’augmenter les capacités d’endettement du repreneur.
Cette conjoncture difficile entraîne-t-elle déjà un ralentissement du marché et que prévoyez-vous à court et moyen terme ?
Les CCI me disent que les cédants partant en retraite ne reportent pas leurs projets de cession. Car ils veulent arrêter. S’ils estiment que le repreneur en face est le bon, ils préfèrent vendre un peu moins que ce qu’ils escomptaient, mais arrêter tout de même. Aujourd’hui, nous n’enregistrons pas un mouvement de report de mise en vente des entreprises.
De son côté, le repreneur qui possède une vraie volonté entrepreneuriale ne reporte pas son projet. Il est certes plus attentif, il réfléchit davantage, mais il ne reporte pas. En revanche, la catégorie des repreneurs qui reprennent par défaut, car se retrouvant sur le marché du travail, réagit différemment. Ils ont tendance à repartir vers le marché du travail.
Les CCI avaient constaté un recul du nombre de projets de reprise avant la crise du fait d’une situation de quasi-plein emploi. À titre d’exemple, il y a quelques mois, le Cantal enregistrait un taux de chômage d’environ 4 %, donc plein emploi. Nos conseillers transmission de ce département nous disaient qu’ils ne voyaient plus de repreneurs.
Du fait de la progression du taux de chômage sur le plan national, il est probable que nous connaissions un nouvel engouement pour la reprise. Encore faut-il que les repreneurs aient des moyens ; ils devraient davantage se tourner vers des opérations plus petites. L’avantage est que les opérations pourront se conclurent plus rapidement, car les petites entreprises à vendre sont nombreuses. Nous conseillons d’ailleurs souvent, à ceux qui possèdent des moyens limités, de commencer à racheter une petite structure de quelques salariés et au fil des années d’en racheter d’autres.
Quelle est votre analyse de l’évolution du marché de la reprise ?
Contrairement à ce qui avait été annoncé, il n’y a pas eu de boom des cessions. S’il y en avait eu un, cela aurait été il y a deux ans. Mais il n’y en a pas eu et il n’y en aura pas. Nous avons même constaté une baisse légère des reprises d’entreprise.
L’avantage des discours sur l’explosion supposée du nombre de cessions est que cela a fait réagir le gouvernement, en particulier au niveau de la fiscalité pour favoriser la transmission. L’impact sur un plan quantitatif a été nul car, cela n’a pas augmenté le nombre de transmissions. Mais ceux qui ont vendu, et ceux qui vendent depuis, ont pu bénéficier d’une fiscalité allégée. Je ne vois pas d’évolutions majeures, sur le plan quantitatif, dans les années à venir. L’environnement n’a pas beaucoup d’impact sur les opérations de transmission reprise aujourd’hui et probablement pas demain.
Nous avons pu distinguer les nouveaux segments de cédants. Il ya quatre ans, les cédants qui vendaient pour commencer une autre activité représentaient 20 % du total, aujourd’hui, c’est la moitié. Du côté des repreneurs, le cadre supérieur d’un grand groupe reste le profil type, mais nous avons de plus en plus d’ex-employés, qui sont plus humbles et plus réceptifs. Ils sont très à l’écoute et très en demande d’informations. Les opérations peuvent aller beaucoup plus vite, car ils cherchent des projets à leur dimension. Il s’agit d’une catégorie qui émerge véritablement.