L’inadéquation entre l’offre et la demande perturbe le marché de la transmission d’entreprise

24 février 2009

Isabelle Marie

Depuis des années, les professionnels de la transmission des PME, les cédants, mais aussi les repreneurs se plaignent du manque de fluidité de ce marché. L’observateur béotien, ou du moins extérieur à ce monde, peut légitimement s’interroger sur les causes de cette rigidité. Au vu de divers éléments objectifs, elle semble même paradoxale. En France, tout semble réuni pour que le processus de reprises d’entreprise, de PME en particulier, ne s’apparente pas à un parcours du combattant, ce qui est pourtant le cas pour le porteur de projet, souvent, ou pour le cédant, parfois.
En effet, pour peu que le dossier tienne un minimum la route, le repreneur ne rencontre pas de difficulté insurmontable pour trouver de l’argent, auprès des banques ou des fonds d’investissement. Certes, en période de crise la donne change quelque peu, mais les banquiers n’ont pas fermé le robinet même s’ils se montrent aujourd’hui nettement plus exigeants et sélectifs.En matière de transmission, la fiscalité ne constitue pas un frein. Il n’y a pas de réforme fiscale spécifique à ce secteur qui puisse faire considérablement évoluer la situation. Quant à l’information, la formation, les conseils, le repreneur français peut difficilement se plaindre. Qu’ils soient d’origine publique ou privée, de nombreux et efficaces dispositifs d’accompagnement existent. Ils sont, certes, davantage tournés vers le repreneur que vers le cédant, mais la situation évolue positivement sur ce plan. Enfin, il n’y a de « pénurie » ni de cédants ni de repreneurs potentiels. Même si le boom du nombre d’entreprises à céder, du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite des patrons baby-boomers, n’a pas eu lieu, des milliers de PME arrivent sur le marché de la transmission chaque année.
Les chiffres émanant du réseau « Passer le relais », de la CCIP, apportent un élément de réponse quant à ce manque, avéré, de fluidité du marché de la transmission : il s’agit de l’inadéquation entre l’offre et la demande. A titre d’exemple, seulement 17 % des entreprises à céder réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 million d’euros alors que 32 % des repreneurs s’adressant à « Passer le relais » cherchent ce type de cible. Soit près du double. 53 % des repreneurs recherchent une PME de plus de 5 salariés, ce qui ne correspond qu’à 23 % des cibles. Ce décalage entre l’offre et la demande concerne également les secteurs d’activité : la construction et l’industrie représentent 34 % des entreprises à vendre, alors que seuls 14 % des repreneurs se disent intéressés par ces domaines. Ces derniers privilégient largement le commerce et les services. Se rajoute, comme « facteur aggravant », le manque de mobilité géographique de nombres de candidats à la reprise.
Cette inadéquation n’est sans doute pas une fatalité du moins quant aux critères, évidemment liés, du nombre de salariés et du chiffre d’affaires. Une communication spécifique pourrait faire prendre conscience au repreneur qui rêve d’une belle PME de 20 personnes qu’il peut démarrer par une reprise plus modeste et, après quelques années, grandir par croissance externe. En se montrant plus souple sur ces critères initiaux de taille de la cible, le repreneur aura davantage de choix aussi bien en terme de secteurs que de localisation. De plus, en rachetant une cible plus petite qu’initialement prévu, il rencontrera moins de difficulté à finaliser son montage financier. Ce qui, en période de raréfaction du crédit bancaire, n’est pas un mince avantage.