Nous publions la première partie d’une analyse de Dominique Dumas sur les possibilités d’optimisation juridique et fiscale d’une cession.
Il existe une croyance de plus en plus généralisée, que le droit est "simple". Cette croyance est d’autant plus paradoxale que les Cabinets eux-mêmes ont multiplié les spécialistes pour faire face à la complexification du droit.
La cession d’entreprise est une opération majeure dans une vie. L’économie globale de l’opération peut considérablement varier, même pour une PME ou TPE, selon que (i) les possibilités d’optimisation auront été utilisées, qu’elles soient fiscales ou juridiques, et (ii) que le contrat aura été correctement rédigé. Pour ne pas rendre le sujet plus complexe qu’il ne l’est, la transmission d’entreprise à titre gratuit n’est pas visée ici. L’hypothèse retenue étant celle de la cession à titre onéreux qui couvre la plus grande majorité des cas.
Avertissement:
Cette note analyse la situation du point de vue du cédant et tend à expliquer de quelle manière il est possible de structurer une opération pour en optimiser le résultat et pourquoi il convient de préparer une cession. Elle reprend quelques exemples possibles d’optimisation juridique ou fiscale. Le droit fiscal étant toutefois complexe, elle ne vise en aucun cas tous les cas d’optimisation possibles, ni toutes les conditions requises pour bénéficier de chacun des régimes abordés. Il convient donc toujours d’étudier au cas par cas chaque situation particulière pour identifier les axes optimaux d’optimisation, vérifier que toutes les conditions requises sont remplies, d’autant que le droit fiscal prévoit également des règles nombreuses et complexes sur la possibilité de cumuler ou non ces dispositifs.
I – PREPARATION DE LA CESSION (SOCIETES ET FONDS DE COMMERCE)
Au-delà de l’aspect fiscal, la cession doit se préparer sur plusieurs plans.
1.1. Audit de cession
l est essentiel de connaître son entreprise avant de la céder. Certains répondront qu’un dirigeant, associé ou entrepreneur, est censé connaître son entreprise. Or, si ceci est généralement le cas s’agissant de la connaissance du secteur et de l’activité, ce postulat s’avère beaucoup moins vrai s’agissant des aspects juridiques et fiscaux. Pour diverses raisons, le cédant n’est pas toujours au fait des problématiques fiscales ou juridiques latentes de son entreprise. Un audit ciblé et adapté à la taille de l’entreprise peut permettre, à moindre coût, d’identifier les actions à mettre en œuvre.
a/ L’audit de cession pour "rendre la mariée plus belle". En identifiant les points faibles d’une entreprise, il devient possible soit d’y remédier, soit, à défaut, de réfléchir à la façon de vendre la chose à l’acquéreur, d’autant que l’acquéreur, en général, sera au fait de ces problèmes s’il a lui-même procédé à cet audit et qu’il ne manquera pas de poser les questions qui fâchent. A titre d’exemple, il peut être souhaitable pour mieux valoriser la société, (i) d’obtenir de co-contractants des engagements écrits pour inscrire dans le marbre des accords jusque là tacites et beaucoup moins valorisables (accord d’exclusivité, de quantités etc.), ou (ii) d’obtenir des engagements de renouvellement de contrats de façon anticipée, ou (iii) de mettre à jour les registres, ou (iv) de sortir certains éléments du fonds ou de la société cédés si ceux-ci peuvent fortement en affecter la valeur etc.
b/ L’audit de cession pour préserver les droits du cédant. Il peut être judicieux de prendre certaines mesures, telles que, par exemple:
• Le réaménagement de contrats avant cession: si l’entreprise mise en vente bénéficie de locaux qui lui sont loués par une SCI appartenant également au cédant, il y a toutes les chances pour que le contrat de bail soit un contrat ultra simplifié et que ce contrat ne soit plus adapté si le loueur et le locataire ne sont plus contrôlés par la même personne. Il conviendra donc de le modifier au préalable pour renforcer certaines clauses, et par exemple, modifier le loyer, la clause d’indexation, les obligations du preneur, le dépôt de garantie etc. N’oublions pas que le loueur, dans un bail commercial, est tenu pour 9 ans. Il faut donc le faire avant la cession.
• La question des dividendes: sauf convention contraire, le cédant n’a pas droit aux dividendes votés alors qu’il n’est plus associé ou actionnaire. Les acomptes sur dividendes mis en distribution avant la cession restent en revanche acquis si les conditions requises pour la distribution ont été respectées. Les bénéfices distribuables pourraient être perdus s’ils ne sont pas distribués avant la cession. Il convient donc d’étudier la situation pour décider s’il convient de distribuer ou non les bénéfices distribuables ou de les intégrer dans le prix de cession, le traitement fiscal des deux opérations n’étant d’ailleurs pas identique.
• La question des réserves: Sauf distribution lorsque celle-ci est possible, les réserves sont transmises au cessionnaire. Il convient donc d’étudier leur distribution ou non distribution et d’ajuster le prix de cession en conséquence.
• Comptes courants créditeurs: La cession de parts, sauf stipulation expresse, n’entraîne pas cession du solde créditeur. Il convient donc de le traiter avant la cession.
• Cautionnements: Le cédant, sauf mesure prise à cet effet, reste tenu des engagements qu’il a contractés antérieurement à la cession et si le cautionnement a été consenti sans limitation de durée, il convient de penser à le dénoncer, faut de quoi il s’expose a devoir être garant des dettes de l’entreprise, y compris de celles nées postérieurement à la cession.
c/ L’audit pour éclairer la rédaction des déclarations et garanties. Le cédant de titres de société est le plus souvent appelé à donner des garanties (appelées déclarations et garanties, cf. ci-dessous) et, de ce fait, tenu de certifier un certain nombre de choses. Or, le cédant qui n’a pas audité sa propre société, peut ignorer ou avoir oublié certains problèmes et être amené à faire de fausses déclarations, déclarations qui, en cas d’audit, peuvent être formulées subtilement pour parfois ne pas couvrir certains points litigieux. Le contrat de déclarations et garanties est également souvent rédigé par un avocat, il est également utile à l’avocat d’avoir ces informations pour les besoins de la rédaction et négocier, le cas échéant, la garantie de la garantie.
Tout dépend bien sur de la valeur de l’entreprise cédée, mais, en ajustant l’audit à la taille et à l’activité de la société, il est possible de revoir les points clefs d’une entreprise de façon très rapide et adaptée (avec un budget extrêmement maîtrisé) et d’en retirer au final le meilleur profit.
1.2 Valorisation
Il est préférable de procéder ou faire procéder à une évaluation professionnelle de l’entreprise selon les critères habituellement retenus en la matière, afin d’être en mesure d’étayer les raisons de la fixation du prix de façon objective et d’en faciliter la négociation.
1.3 Accompagnement par des professionnels
Au-delà des aspects juridiques et fiscaux généralement traités par les avocats, les conseils en acquisition, chargés de l’identification de cibles pour acquéreurs et vendeurs, peuvent grandement accélérer et faciliter le processus. Leur expertise est appréciable tant au plan du réseau dont ils disposent que de leur expertise pour la mise en valeur des sociétés, au plan financier et marketing.