Jean-Luc Scemama

10 avril 2015

Isabelle Marie

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Vous venez de créer le réseau « Transmettre & Reprendre » notamment avec l’ordre des avocats, les notaires, les CCI, l’APCMA, Bpifrance ou encore l’APCE. Quels sont les objectifs de ce nouveau réseau que vous présidez ?
C’est un grand projet que de réunir différents partenaires institutionnels. L’objectif est de fédérer nos moyens et nos compétences pour fluidifier le processus de transmission. Nous avons défini trois axes. Le premier est de développer l’information à travers des guides et des outils pratiques communs. Le deuxième axe est de proposer aux professionnels de la transmission des formations transverses car, à titre d’exemple, l’avocat ne connaît pas forcement bien ce que fait le notaire ou l’expert-comptable et inversement. Troisième axe : nous souhaitons être force de proposition auprès des pouvoirs publics pour favoriser et faciliter la transmission d’entreprise.

Quel type de solutions comptez-vous proposer ?
Nous constatons que des entreprises ferment faute de repreneurs, ce qui est un vrai drame. Par ailleurs, nous savons que notre pays ne compte pas assez d’ETI, ce qui est de nature à fragiliser notre tissu économique. Nous souhaitons donc favoriser l’information et la croissance externe pour renforcer les entreprises, pour qu’elles soient plus solides. Cela permet aussi, dans certain cas, au dirigeant de ne plus être seul mais de pouvoir s’appuyer sur un associé. Par ailleurs, une entreprise davantage structurée et de taille plus importante pourra plus facilement chercher et trouver des marchés, notamment à l’export.

Quel est, selon vous, l’un des freins majeurs au bon fonctionnement du marché de la transmission d’entreprise ?
Le manque d’anticipation constitue aujourd’hui, en France, un vrai problème. Nombre de cédants n’imaginent pas le temps nécessaire pour trouver un bon repreneur. Il est aussi nécessaire de mettre l’entreprise en état d’être cédée, notamment lorsque l’intuitu personae est très important et l’organisation trop autocentrée autour de son dirigeant. Le cédant doit aussi engager toute une démarche psychologique pour se préparer à être vendeur. Pour le repreneur, la recherche de la « bonne » cible peut, dans certain cas, être bien plus longue que prévu.

Avez-vous identifié d’autres difficultés sur lesquelles les pouvoirs publics devraient se pencher ?
Nous sommes en train de recenser les freins. L’un d’entre eux réside dans le fait que beaucoup de chefs d’entreprise connaissent mal la cession et le rachat d’entreprise. En général, le cédant va vendre une entreprise pour la première fois de sa vie et cette opération est complexe. Un autre frein, et ce qui nous pose souvent problème, est l’instabilité de la législation fiscale. Un conseil que je donne aujourd’hui peut être inadapté dans un mois, car un nouveau texte aura modifié sensiblement la pertinence du conseil. Il en résulte un attentisme chez certains cédants et repreneurs. Si le cédant part en retraite, il existe une réelle opportunité fiscale, mais s’il cède quelques années avant de partir en retraite, le coût fiscal sera bien plus important alors qu’il était pourtant sain que le dirigeant anticipe. Il faut que le cédant réfléchisse au moment adéquat pour optimiser sa transmission, notamment sur le plan fiscal avec, peut-être au Pacte Dutreil, à des donations aux enfants.
Le volet éducatif est important. Dans notre pays, les jeunes ont besoin d’être davantage formés à la connaissance de leur environnement et à l’entreprise. Enfin, signalons que l’actionnariat salarié constitue une opportunité à optimiser, notamment par une communication mieux adaptée.

Quel est pour vous l’élément déterminant pour la réussite d’une opération de transmission d’entreprise ?
Quand une entreprise en reprend une autre, il faut que ses dirigeants imaginent l’après. Qui va s’occuper en interne de la cible ? Comment cette dernière va-t-elle s’intégrer ? Les deux cultures d’entreprise sont-elles compatibles ? Certains des échecs constatés sont essentiellement dus à des raisons purement culturelles. L’humain est fondamental. Il est essentiel que le repreneur puisse faire adhérer les salariés repris à son projet d’entreprise.