De façon générale, quel est votre sentiment sur la loi Hamon et, en particulier, sur les dispositions instaurant un droit d’information aux salariés en cas de cession de l’entreprise ?
Alors que le gouvernement souhaite simplifier la vie des entreprises, il crée une règle nouvelle, contraignante et complexe, y compris pour les toutes petites entreprises. Le boucher charcutier qui a deux commis est visé par les dispositions de la loi Hamon. Certes, on dit souvent qu’en gros 50 000 emplois disparaissent chaque année car des entreprises disparaissent faute de repreneurs. Mais aucune étude sérieuse ne vient étayer ces chiffres. La loi Hamon instaure un mécanisme qui va concerner toutes les entreprises sauf celles, précisément, qui disparaissent faute de repreneur. Elles n’ont pas de repreneur donc elles sortent du cadre de la loi. Ceci est tout de même étonnant.
Tous les dirigeants, y compris les petits commerçants, sont-ils à même d’informer leurs salariés sur les mécanismes d’une cession d’entreprise ?
L’article 11 A vise à instaurer un dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés. Cet article renvoie à un décret qui devra donner le mode d’emploi concret de la mesure. Je ne pense pas que le chef d’entreprise de moins de 50 salariés dispose des compétences nécessaires pour informer ses salariés des dispositifs de reprise des entreprises par les salariés. Dans l’immense majorité des cas, il n’a lui-même fait aucune cession de sa vie. Celle qu’il envisage sera la première. Cette obligation devrait plutôt être imposée à l’administration, aux Urssaf ou aux Assedic. Aujourd’hui, même les fiscalistes ont du mal à décrire les régimes d’achat et de vente d’une société. Les chefs d'entreprise eux-mêmes éprouvent parfois des difficultés à bien appréhender les différences entre cession du fonds de commerce et des parts. La loi impose d’informer chaque salarié individuellement, ce qui nécessite un temps considérable. De plus, une information permanente doit intervenir une fois tous les trois ans. Par ailleurs, que passe-t-il dans le cas où le capital n’est pas détenu majoritairement par le manager ?
Ce texte génère-t-il un risque de contentieux ?
Il existe un double risque de contentieux. Le premier vient du fait que le texte dit que si la notification préalable n’est pas correctement faite, la cession est nulle. Il s’agit d’une sanction très grave. Cela signifie que chaque salarié peut remettre en cause la cession s’il considère qu’il n’a pas été correctement informé conformément au texte. C’est un droit individuel.
Par ailleurs, que va-t-il se passer si les salariés se manifestent ? Soit, ils seront en concurrence avec l’offre privilégiée par le chef d’entreprise, soit ils se seront en concurrence entre eux. Certes, le dirigeant choisi. Mais si celui-ci vend à un acquéreur extérieur à l’entreprise plutôt qu’à un salarié qui avait fait une meilleure offre, il y a risque de contentieux. Le salarié pourrait saisir le tribunal. A terme, j’estime qu’il y a à ce niveau une source réelle de contentieux.
Très concrètement, à quel moment le dirigeant devra informer les salariés de son projet de cession ?
Lorsqu’il a l’intention de vendre, le dirigeant doit le déclarer aux salariés au moins deux mois avant la cession. La jurisprudence devrait se caler sur ce qui se passe avec les sociétés dotées d’un comité d’entreprise, c’est-à-dire qu’il faut que les salariés soient informés avant qu’un acte engage de façon juridique le vendeur. Dans les faits, si le dirigeant a déjà un acquéreur pressenti, il devra faire un montage juridique destiné à purger ce droit d’information des salariés. S’il n’a pas d’acquéreur pressenti, il sera délicat, ne serait-ce que pour des raisons de management, qu’il dise à ses salariés qu’il veut vendre mais qu’il n’a encore trouvé personne.
Quid de la confidentialité ?
Le texte dit que les salariés sont tenus à la confidentialité mais il s’agit, selon moi, d’une disposition vide de sens si 30 ou 40 personnes sont au courant. En ayant connaissance d’un projet de cession, les meilleurs salariés peuvent être amenés à changer d’entreprise ; de plus, les concurrents ont tendance à alerter les clients en leur disant de ne plus passer commande à l’entreprise en question car elle est en train de se vendre. Par ailleurs, le législateur précise que les salariés peuvent se faire assister. Il y a tout lieu de penser que l’addition des conseils sera présentée au dirigeant.