Existe- t -il un repreneuriat au féminin ? ou Pourquoi le marché de la reprise doit se féminiser ?
Des chambres de commerce au CRA, des réseaux business comme au sein des cabinets de conseils, et ce comme dans tous les milieux avertis, on vous le dira : « la reprise d’entreprise est une affaire d’hommes ! ».
La réalité est ainsi. Dans les PME et ETI, on ne compte que 11 % de femmes chefs d’entreprise, et même si elles sont près de 17 % dans les entreprises familiales, il n’est pas rare que sur certains secteurs les femmes ne représentent qu’un très faible pourcentage comme notamment dans le secteur des transports ou de la construction. Derrière ces chiffres, la réalité est que la plupart des femmes qui empruntent la voie de la reprise d’entreprise sont soit des veuves, soit les héritières d’une affaire familiale.
Le chemin professionnel de la reprise d’Entreprise s’emprunte rarement par hasard …
Dans le cas notamment d’une reprise familiale, la transition managériale si la succession n’est pas brutale, doit pouvoir s’opérer sur des années pour que la reprise se gère dans la continuité. Il faut compter près de 10 ans pour que la transmission se fasse dans de bonnes conditions. Le plus souvent ces femmes ainsi positionnées dans la reprise doivent acquérir leur légitimité sans s’imposer ; certaines appellent cela « la stratégie des petits pas » car l’important sera de ne pas bouleverser l’équilibre construit par leur conjoint ou par leur père.
Fort de ces constats, Il y a malheureusement trop peu de femmes qui se lancent dans la reprise par choix. Et pourtant …
La reprise dispose de nombreux atouts pour séduire les femmes
Notamment pour toutes celles qui souhaitent entreprendre. En effet un grand bout du chemin est déjà fait, contrairement à la création d’entreprise où l’on part d’une page blanche.
Aujourd’hui de nombreuses mesures sont prises pour favoriser l’emprunt bancaire des femmes, en leur apportant une meilleure assise financière pour leur projet de création, mais aussi dans le cadre d’une reprise d’entreprise. Des mesures publiques et privées ont été mises en place également pour permettre de renforcer l’entrepreneuriat comme le repreneuriat féminin. Palliant ainsi les entraves qu’elles rencontrent tout en adressant mieux leurs besoins :
- Concilier vie professionnelle et personnelle.
- Intégrer un milieu entrepreneurial majoritairement masculin.
- Lutter contre le chômage.
- Favoriser le développement des activités de femmes ambitieuses;
Ces mesures n’ont pas pour objectif de stigmatiser les femmes mais de permettre de renforcer, peu à peu, la parité dans le monde entrepreneurial. C’est une réalité. Il s’agit prioritairement de soutenir les porteuses de projets en création comme en reprise en leur apportant une aide financière, des conseils et les réseaux adaptés à leurs besoins.
C’est une évidence !
Le marché de la reprise doit mieux adresser les femmes
Car il s’agit d’un monde d’opportunités !
On estime à 600 000 entreprises, compte tenu de l’âge du dirigeant, celles qui seront à céder dans les 10 prochaines années. Il est vrai que certaines de ces entreprises sont difficilement transmissibles mais d’autres sont en quête d’un repreneur, ou d’une repreneure.
Dans ce milieu d’hommes, une fois n’est pas coutume, Eva Beschemin et Brigitte Texier ont eu tout faux, du moins en apparence.
C’est ce qui rend leur aventure passionnante et tellement inspirante !
Reprendre à deux
Toutes les deux confrontées dans leurs environnements professionnels respectifs à une absence d’évolution satisfaisante, cultivant un fort désir d’indépendance et conscientes par ailleurs que créer demande beaucoup de temps, et de l’énergie- le projet d’une reprise c’est imposé naturellement à elles.
« La création n’était pas la meilleure des options » nous explique Eva Beschemin, « la reprise ouvre plus d’opportunités et moins de risques ». Mais il ne s’agit pas d’un long fleuve tranquille pour autant.
Sur ce chemin de la reprise, il a fallu qu’elles luttent contre les idées reçues telles que : « La reprise est un marché d’hommes » et « s’associer pour reprendre n’est pas une bonne idée » – mais surtout qu’elles s’arment de patience.
Il leur aura fallu 2 ans pour aboutir leur projet. Pour qu’elles trouvent leur cible et qu’elles finalisent enfin la reprise de CANASUC, Entreprise spécialisée dans les sucres innovants « made in France », pour débuter leur belle histoire !
Les reprises au féminin sont rares
Alors qu’il s’agisse de deux femmes repreneures sur ce projet, cela attise la curiosité…
Existe-t-il pour autant un repreneuriat au féminin, une sororité encouragée ? Ce n’est pas simple d’y répondre de façon catégorique, des biais comportementaux existent propres aux femmes, et des freins qu’il faut pouvoir lever pour les encourager dans la voie de la reprise, au-delà d’un capital de départ. Les femmes restent encore et toujours beaucoup moins bien financées que les hommes, mais comme les banques certains fonds d’investissement ont pris l’engagement d’équilibrer davantage les choses.
Sophie Delalande, Chargé d’affaires au sein du Cabinet Intercessio, nous confie qu’elle a vu une évolution ces dernières années et qu’effectivement les fonds d’investissement s’ouvrent de plus à plus à l’entrepreneuriat et au repreneuriat au féminin (*).
« C’est certes encore rare mais, si les fonds ne cherchent pas spécialement des femmes au départ. Ils étudient leurs dossiers et peuvent les accompagner efficacement ! Sur un de mes dossier récemment, j’ai rencontré une dirigeante. Elle a repris l’an dernier une société avec UI Investissement Ouest, et Ils l’accompagnent maintenant dans sa démarche de croissance externe. »
Existe-t-il un repreneuriat au féminin ?
Ce qui est certain c’est qu’Eva Beschemin, et Brigitte Texier ont travaillé leur dossier très rigoureusement pour s’assurer des meilleures chances de succès, qu’elles ont su se faire entourer d’un cercle de confiance avec des experts recommandés par leurs proches, que leur banquière était une femme et qu’elles ont racheté à une femme également qui avait hérité de l’Entreprise de son époux …
De là a en déduire qu’il existe un repreneuriat au féminin, on peut s’interroger. Néanmoins, considérons à minima qu’il s’agit d’un monde d’opportunités, et qu’en s’y intéressant les femmes ont tout à y gagner.
(*) Aujourd’hui 130 fonds d’investissement ont signé la charte SISTA et s’engagent sur des objectifs chiffrés. Ainsi, les signataires devront atteindre minimum 30 % de femmes au poste de partners et 50 % dans leurs équipes d’investissement afin de renforcer la mixité dans le processus de sélection des projets. D’ici 2025, 25 % des startups financées devront avoir été fondées ou co-fondées par des femmes, 30 % en 2030.