Didier Chambaretaud

15 avril 2008

Isabelle Marie

""Après l’avoir connu de l’intérieur, quelle est votre vision du marché de la reprise ?
J’ai une vision du marché de la reprise plus pessimiste que la plupart des observateurs, mais que je pense toutefois réaliste. Il est aussi vrai qu’il s’avère difficile de bâtir si l’on a pas une bonne appréhension de son environnement. Pour des raisons diverses, hommes politiques, élus locaux, élus de chambres de commerce se gargarisent de chiffres faciles. Faciles, car tellement globaux que l’on peut leur faire dire tout et son contraire. Annoncer qu’il y aura 400 000 entreprises à reprendre dans les 15 ans n’a pas de sens. Il existe dans les faits très peu de PME d’une certaine taille qui correspondent aux aspirations d’anciens cadres.
Pour moi, ce qui compte ce n’est pas tant de reprendre une entreprise que de reprendre un projet. Des entreprises qui n’ont pas de projet, il en existe beaucoup. Il s’échange sans doute quelques centaines de PME par an qui possède un projet distinctif. Par ailleurs, en dessous de dix salariés, il ne peut y avoir de véritable encadrement, c’est le patron qui fait tout. Il vaut mieux créer que reprendre ce type d’entreprises, à moins de posséder déjà une structure et de les racheter.

Le marché de la reprise est-il véritablement miné, comme l’indique le titre de votre ouvrage ?
A mon avis oui, ce marché est miné et truffé de pièges. Il s’adresse principalement à des personnes en rupture et souvent pétries de mauvaises habitudes. Nombre de candidats repreneurs abordent ce marché de la reprise avec la logique marketing que l’on développe dans les grands groupes, c’est-à-dire avec une vue très large des choses, alors qu’ils se retrouvent face à des réalités extraordinairement terre-à-terre. Il s’agit d’une première difficulté.
Par ailleurs, lors du processus de recherche de la cible, il est illusoire de vouloir recenser la totalité des opportunités de ce marché, d’isoler celles qui vous correspondent et de les classer selon un ordre rationnel de priorité en fonction du prix ou d’un autre élément. Dans la réalité, cela ne se passe jamais ainsi. C’est le hasard et les rencontres qui dominent. Il s’agit d’un deuxième écueil. Ce marché est également miné, car le repreneur y rencontrera un certain nombre d’acteurs qui ne sont pas toujours recommandables.

Comment analysez-vous la relation repreneur / cédant ?
Bien que ce soit le repreneur qui signe le chèque, il se trouve dans la position de se vendre lui-même et non dans une position d’acheteur. Le cédant, qui lui devrait logiquement se trouver dans la situation de vendeur, est dans les faits dans celle du recruteur. Ceci reflète la réalité d’un marché où il y a peu de vrais entreprises à reprendre. C’est aussi pour cette raison qu’il y a la place pour des personnes qui viennent vous escroquer.
Il faut bien prendre conscience que le repreneur et le cédant appartiennent à deux catégories socio-professionnelles vraiment distinctes. L’un a fait peu d’étude et a bien réussi, l’autre, le repreneur, a fait beaucoup d’étude et n’a pas très bien réussi. Quand ils se rencontrent, ils ont des raisons objectives de se repousser. Pour avancer, il faut de retrouver dans une certaine proximité. Le cédant veut être rassuré sur le fait que vous ayez de l’argent, que vous n’allez pas faire capoter son entreprise et que vous soyez digne de lui. Il faut lui vendre votre projet. Beaucoup de repreneurs ne trouvent rien, car ils se disqualifient eux-mêmes en étant, par exemple, trop arrogants face au cédant. Pour ma part, je ne parle pas du prix lors des premières rencontres. On discute de l’entreprise. J’essaye de voir s’il y a un projet et des compétences. Quant à la valorisation, je préfère les approches comme la méthode Valentin qui prend notamment en compte des éléments d’environnement.
"Reprise d’entreprise" par Didier Chambaretaud – Pearson / Village Mondial – 214 pages – 21 euros