La fiscalité particulièrement favorable en France dans le domaine de la transmission d’entreprise, en l’occurrence en faveur du cédant, a-t-elle une réelle efficacité ? L’objectif recherché, qui est bien entendu de favoriser le marché de la transmission, est-il atteint ? Dans le cas contraire, faut-il maintenir dans le Code général des impôts les huit mesures d’exonérations des plus-values professionnelles destinées à faciliter la transmission d’entreprise ? Au vu du flou sur les effets concrets de ces mesures, la question mérite d’être posée. Au moins un élément est connu : le coût de ces dépenses fiscales. Il va s’élever à 775 millions d’euros en 2010.
Ce point est abordé dans un rapport de la Cour des comptes qui a été rendu public au début du mois d’octobre. Les magistrats soulignent qu’il n’existe aucune évaluation de l’efficacité économique de ces diverses exonérations. Sans données statistiques, mesurant notamment l’évolution du nombre de cessions avant et après l’entrée en vigueur des ces exonérations, il est légitime de se poser la question du bien-fondé de leur maintien dans la législation fiscale.
A titre d’exemple, l’exonération des plus-values de cession à titre onéreux de titres de sociétés soumise à l’IS en cas de départ à la retraite du dirigeant génère un coût annuel d’environ 300 millions d’euros. Ce coût serait utile économiquement si l’allègement fiscal était répercuté sur le prix de vente facilitant ainsi certaines opération. Mais rien n’est moins sûr. Vu les niveaux de prix de vente demandé par la majorité des cédants, on peut même clairement en douter.
Comme le note la Cour des comptes, les mesures d’exonération profitent directement au cédant. On peut lire dans ce rapport que « l’exonération de la plus-value de cession n’a d’effet mécanique ni sur les chances du cédant de trouver un repreneur, ni sur les chances de ce dernier d’assurer la survie de l’entreprise ». La conclusion des magistrats est sans appel : ces dispositifs semblent relever davantage d’une politique visant à alléger considérablement les prélèvements sur le patrimoine des cédants que d’une politique d’incitation à la transmission d’entreprise. En effet, il apparaît peu réaliste de supposer qu’un dirigeant renoncerait à céder son entreprise pour le seul motif qu’il ne bénéficierait pas d’une exonération.
L’alternative consisterait à consacrer ces centaines de millions d’euros, dans l’hypothèse où les exonérations seraient supprimées ou minorées, à une vrai politique d’incitation à la transmission. En premier lieu, l’établissement d’un outil statistique complet est souhaitable. Suite au travail statistique débouchant sur une meilleure connaissance du marché et de ses évolutions, des fonds publics pourraient permettre de financer certaines réformes ainsi que des outils nouveaux. Dans ce cadre, reprenons les suggestions d’Hamid Bouchikhi, professeur à l’Essec : certification des intermédiaires, certification de l’offre et de la demande, système de mutualisation du risque pour les vendeurs et pour les acheteurs. Les pistes pour fluidifier le marché de la transmission sont connues. Reste leur financement et la volonté politique…