Au cours d’une conférence lors du Salon des Entrepreneurs 2018, Patrick Lemarié, directeur général d’Intercessio, a analysé et explicité à un auditoire fourni les différentes étapes et la complexité du processus de valorisation d’une cible.
Comment s’effectue la valorisation d’une entreprise ?
Afin de parvenir à une valorisation sérieuse et réaliste, il convient de se faire conseiller par un bon expert en évaluation ou par cabinet-conseil spécialisé dans les acquisitions qui saura également mener à bien ce travail. Mais il faut bien comprendre qu’une entreprise vaut notamment par ce que le repreneur désire en faire. Elle peut valoir moins cher pour un acquéreur que pour un autre en fonction des compétences de ce dernier, de ses moyens et de ses projets. Différentes méthodes d’évaluation vont être utilisées, mais elles ne suffisent pas, à elles seules, à donner une idée réaliste de la valeur d’une entreprise, même si la base de l’évaluation est tout de même financière. La valorisation ne correspond pas à ce que peut payer au maximum le repreneur, mais elle est un point d’équilibre entre les positions de l’acheteur et du vendeur. Mais il existe, par ailleurs, un prix de marché qui va fluctuer en fonction de nombreux éléments. Il est clair qu’une valorisation ne revient pas à dire c’est tant de fois l’Ebitda. L’offre de prix faite par l’acquéreur se doit d’être argumentée avec des éléments crédibles et objectifs. Rappelons que la valorisation n’est qu’une fourchette et qu’elle marque le début de la négociation du prix de cession.
Quelle doit être l’implication du repreneur lors de la phase d’évaluation de la cible ?
La valorisation n’est que l’une des très nombreuses étapes d’une opération d’acquisition. Elle s’opère sur la base d’éléments financiers, mais aussi sur de nombreux éléments contextuels et sur ce que l’on nomme l’immatériel. Lors de cette étape, le repreneur doit véritablement s’impliquer
et récupérer les comptes, les bilans, interroger des dirigeants et salariés afin qu’il puisse se forger sa propre opinion de l’entreprise. Il est nécessaire que l’acquéreur s’imprègne de ce qu’est l’entreprise et si elle correspond réellement à son projet entrepreneurial.
L’aspect psychologique de la négociation est-il une donnée dont doit tenir compte le repreneur ?
La dimension psychologique est effectivement un sujet à ne surtout pas négliger qui peut vraiment influer sur l’issue d’une opération. Le cédant met très souvent beaucoup d’affect dans l’opération de cession de son entreprise. Le repreneur doit en tenir compte et ne surtout pas sous-estimer cette dimension humaine. A titre d’exemple, j’ai travaillé sur un dossier dans lequel un vendeur a cédé son affaire à un repreneur qui n’avait pourtant pas la surface financière suffisante. Mais le cédant appréciait vraiment ce repreneur ; le cédant s’est engagé à travailler deux ans supplémentaires dans l’entreprise et à cautionner en partie le prêt du repreneur.
Qui doit mener les négociations sur le prix et à quel moment dans le processus de vente ?
Il y a deux écoles. Il est souvent judicieux que ce soit les conseils de l’acquéreur qui mènent ces discussions sur le prix de cession. Toutefois le repreneur peut s’impliquer, mais il faut qu’il puisse ménager ses relations futures avec le cédant. Par ailleurs, il est déconseillé d’aborder cette question du prix de cession lors du premier ou deuxième entretien. Le repreneur doit montrer au cédant qu’il s’intéresse d’abord à l’entreprise avant de parler de prix. L’acquéreur doit alors être capable de formuler une offre et de pouvoir l’expliquer.
Pouvez-vous nous dire quelques mots du crédit vendeur et du complément de prix ?
Ces deux procédés sont un moyen de mettre de l’huile dans les rouages lorsqu’une négociation tend à se bloquer. Par le crédit vendeur, c’est le cédant qui va consentir un financement à l’acquéreur. Il s’agit d’une situation que l’on rencontre assez régulièrement. Ce peut donc être un moyen pour réussir une opération. Le complément de prix, ou earn out, est une clause par laquelle l’acquéreur va verser une partie du prix au cédant en fonction des résultats de la société à un terme déterminé qui peut être, à titre d’exemple, d’une année. Il s’agit de deux moyens qui permettent de réussir une opération.